samedi 18 février 2012

Le litchi.

Avez vous déjà ressenti ce doux malaise en mangeant un litchi? Cette impossibilité de comprendre le fruit dans sa globalité.
Il y a d'abord sa carapace mi-molle mi-dure. Elle est recouverte de petites aspérités saillantes mais, au toucher, l'uniformité de la surface résonne comme un détour. Elle s'effrite entre nos doigts et se glisse sous nos ongles. Déjà la forme semble fuyante. Elle est composée de deux couches: une couche dure rose-sombre et une couche fine et molle rose-pâle. Cette dernière s'apparente à une membrane faisant le pont entre deux mondes: la chair du fruit et sa carapace, le monde du flasque et le monde du rigide, le monde du mou et du dur, le monde de l'informe et de la forme.

La chair du litchi est pulpeuse, juteuse et luisante. Elle nous glisse des doigts pour rebondir sur le carrelage froid de la cuisine. Sa couleur est insaisissable et oscille entre le blanc , le beige et le nacré. Ni filandreuse ni caoutchouteuse c'est une matière mésomorphe, une matière de l'entre deux. Elle semble hésiter: se maintenir ou se vautrer?
Contenue. Cette chair flasque, baveuse et blanchâtre pourrait évoquer un monde. Je pense à la chair du poisson, à la texture du mollusque, à la forme d'une glande et au muqueux.
La chair informe du litchi résonne comme une promesse: un monde ambitieux, insatiable et insaisissable. Un monde où il serait permis d'être multiple.
Toutes ces évocations sont contenues par une fine pellicule tendue sur laquelle vient se fixer une carapace rigide. La forme finale m'apparaît séduisante comme un doux paradoxe.

Alors je croque dans sa chair jusqu'à en aspirer tout son jus, et là je tombe sur la dernière curiosité du litchi.
Le noyau surgit dans un frisson. Il est d'un noir d'ébène, brut. Il arrive comme une force violente qui bouleverse le monde du baveux. Il perce le blanc immaculé de la chair et s'oppose à tout ce qu'elle a pu véhiculer jusque-là. Sa forme est bien définie: un ovale lisse et impeccable. Sa texture est assumée: dure comme du bois. Sa couleur unifiée: un aplat de noir.
Le noyau s'immisce dans le flasque avec arrogance, et vient nous rappeler qu'il en est à l'origine. L'informe enrobe le noyau tout en glissant dessus. La chair n'est fixée qu'à l'extrémité supérieure de la graine. Cette attache, fragile, délicate tend à tout moment de se déchirer. La chair glisserait alors du noyau emportant avec elle leurs derniers liens de parenté.
Et le malaise s'installe dans cette situation: le frottement de deux mondes se niant l'un et l'autre. Pourtant les certitudes des uns ne prennent sens que dans la confrontions à l'autres.
La chair et son noyau sont alors voué à un dialogue interminable perpétuant ce doux malaise présent à chaque bouchée.

Table de travail













Oviscapte










(Tube en verre, corde à piano, essence de clou de girofle.)

Restes













Dessin

Dessin from Anouck Arramond on Vimeo.

Etudes









Curiosités







La leçon d'anatomie